samedi 22 mars 2008

Premiers Tafs

La semaine qui vient de s'écouler a été une véritable course ! Après quelques jours de calme, la tempête !

J'ai commencé par un premier montage pour Lucas qui développe un site internet pour le Sens&Bund, un restaurant huppé sur le bund, sorte de promenade des anglais avec la fameuse vue futuriste de Shanghai qui est censée illustrer la ville dans tous les bons guides pour touristes...


Il s'agissait de faire un 2 minutes à partir d'une cassette d'une heure sur un cours de cuisine dispensé par le chef du restaurant à des femmes d'expatriés qui trouvent le temps long et cherchent à s'occuper...
N'étant pas vraiment un spécialiste du montage et mon ordinateur n'étant pas franchement une bête de compétition, j'ai galéré comme rarement. Il m'a fallu 3 journées intensives pour en venir à bout. Ça aurait pu être fait en une petite après-midi...

Avec un deuxième montage sur le feu, pour présenter le restaurant cette fois, Joris m'annonce le mardi soir que je pars avec lui dans une province à une heure d'avion au sud de Shanghai, pour filmer la troisième partie d'un magazine de 12 minutes qu'il est en train de réaliser sur des révoltes de paysans qui refusent d'être expropriés de leur terre par le gouvernement qui a décidé de construire des usines à la place.

Je m'arrange avec Lucas pour faire le montage à mon retour; je shoote quelques plans manquant dans les cuisines pour bien présenter l'endroit, je prend quelques photos...



et je m'envole le jeudi matin à l'aube avec Joris en direction de Pengjie, petit village dans la province du Zhejiang à 500 km de Shanghai...

On a rendez vous avec une avocate de Pékin et son assistante dans un hôtel de la région.
Premier contact, pendant que Joris fait son travail, je fais le mien. Je prépare la cassette, fais les réglages de la caméra, une sony Z1 que je connais un peu et prend quelques photos... Dans l'ordre, Joris, l'avocate et son assistante.



Après une heure d'explications sur la situation, explications auxquelles, il va sans dire, je n'ai absolument rien compris, on prend un taxi pour retrouver les paysans mécontents.




Après 20 minutes dans le taxi, 20 minutes pendant lesquelles l'avocate reçoit un appel d'un membre du parti qui veut savoir ce qu'elle compte faire à Pengjie avec une équipe de télévision française, on tombe sur une dead end. La route est en chantier. On ne peut pas aller plus loin. Le taxi contourne, empreinte une piste de terre sur cent mètres et on y est.
Un jeune chinois, l'un des paysans expropriés que l'on doit rencontrer, nous accueille.
Branle bat de combat. Je dois filmer la rencontre entre l'avocate et le jeune homme. Je suis pris de court. Je sors à l'arrache du taxi et commence à filmer la scène tant bien que mal. Un voyant sur la caméra m'indique que je suis en format 60i. Je ne sais plus ce que ça veut dire. Je m'en fou. Je filme. On verra bien.

D'autres paysans se joignent à nous. Ca devient vite un attroupement où tout le monde a son mot à dire. On nous montre l'usine en construction qui est la cause de tous ces troubles...



Je n'ai plus le temps de prendre des photos. Je ne sais plus où orienter l'objectif de la caméra tellement la masse de la population devient imposante. Chacun veut expliquer son problème. Je ne comprend rien, Joris semble submergé. Il m'envoie un peu à l'écart pour faire quelques plans de coupes.

Au bout d'une dizaine de minutes, une voiture de police s'impose au milieu de la scène. L'assistante de l'avocate me fait signe d'arrêter de filmer et me demande de me rapprocher.
Joris est en pleine négociation avec ce qui me semble être un inspecteur de police, plutôt sympathique. L'ambiance a l'air cordiale mais on me demande quand même mon passeport. J'obtempère sans broncher même si je sais que je n'ai qu'un visa touriste et une caméra semi-pro avec trépied sur l'épaule.
Joris, lui, est tout sourire, l'inspecteur est tout sourire, les policiers qui l'accompagnent sont tout sourire mais les paysans sont devenus silencieux et mon passeport est soigneusement inspecté et les références reportées dans un petit carnet par l'un des agents. J'aimerais être ailleurs.
Joris fait des courbettes et des risettes et négocie ferme. Brusquement, sans que je comprenne bien pourquoi, la situation se débloque. On me rend mon passeport, l'inspecteur salut cordialement Joris et cette joyeuse bande officielle s'éclipse en moins de deux minutes.
Et la troupe reprend son chemin comme si tout était normal... J'aimerais bien comprendre... Joris m'explique que l'inspecteur était mandaté pour nous accompagner pendant toute la journée. Lui même ne sait pas comment il a réussi à convaincre l'agent que ce n'était pas nécessaire, qu'on s'en sortirait très bien sans eux et que ce n'était vraiment pas la peine qu'ils perdent leur temps avec nous... Bravo !

On reprend donc notre marche autour de l'usine en construction. J'ai l'impression que plus on avance, plus il y a de monde qui nous entoure. Il règne une forte agitation. Ça braille dans tous les sens...



Après ces quelques plans en extérieur, sous un soleil de plomb, on a prévu de filmer une interview de notre personnage principal dans sa maison. On grimpe dans son pickup à 3 roues pour nous rendre chez lui


Mauvaise idée !
Le temps d'arranger la pièce (sortir la moto entreposée dans le salon, aérer un peu pour dissiper l'odeur d'essence, disposer la table de la meilleure façon pour avoir un peu de lumière sur notre intervenant, poser la caméra, mettre le micro HF, trouver le bon cadre...), une femme intervient en s'imposant, très souriante mais très insistante.
A l'attitude de Joris, je comprends vite que quelque chose ne va pas. Les visages de l'assistance se sont figés. On remballe tout en quatrième vitesse, échange de cartes de visites entre Joris et l'intruse et on saute dans le pickup. Une fois de plus, je ne comprends rien mais je suis, sans poser de questions. Notre départ précipité échauffe les sangs. Un échange violent à lieu entre l'avocate et cette femme qui est très souriante avec Joris mais particulièrement désagréable avec elle.

Une fois dans la voiture, Joris m'explique que c'était la responsable du bureau de la propagande du parti et qu'elle insistait lourdement pour qu'on la filme, histoire d'avoir un avis différent de celui des paysans sur la situation...
Comme ça, c'est plus clair ! On prend la direction de l'hôtel à fond la caisse (50km/h ; pas tout neuf le pickup...) !
Au bout de quelques minutes, le chauffeur s'anime à nouveau. On est suivi ! Je me retourne et je vois une énorme Audi A8 à 50 mètres derrière nous. Ceux qui s'y connaissent un peu en voiture comprendront l'absurde de la situation qui s'en suit :

Un pickup qui doit dater des années soixante essayant de semer une berline puissante et moderne sur une route interminablement droite... On se regarde avec Joris, dubitatif... Joris tente un petit "vous êtes sûr que c'est une bonne idée ?" et l'autre très sûr de lui "pas de problème, pas de problème" et entreprend un demi-tour qui fait pratiquement décoller l'une des trois roues. Je me tourne à nouveau. L'autre voiture est toujours là, toujours à 50 mètres... Bon. S'il n'y a pas de problème, y a qu'à attendre la suite ; très à l'aise à quatre sur la banquette arrière avec tout le matos vidéo...

Toujours à fond la caisse, flirtant avec les 60km/h, on s'engage sur la piste de terre, légèrement secoué puis sur la route du village qui ne permet pas à deux voitures de se croiser... 100 mètres plus loin un attroupement de villageois qui se disperse pour nous laisser passer et se resserre juste après. Barrière humaine. Pas con. Pour continuer à nous suivre, la berline va devoir écraser une trentaine de personnes ! Elle disparait du rétroviseur.
On enchaine les gauches droites, pour finalement nous arrêter devant la maison d'un vieux chinois.
L'ambiance est légèrement lourde autour de moi ; les visages sont tendus...



Le plan consiste, en fait, à changer de voiture et à emprunter un itinéraire bis. Dix minutes plus tard on est reparti.
Avec tout ça, il est 14h, on n'a rien mangé depuis 6h du mat et j'ai pris un coup de soleil sur le crâne pendant le tour de l'usine...

Trois quarts d'heure plus tard, on est dans le salon privé d'un restaurant de fruits de mer à déguster des spécialités locales accompagnées d'un bouillon de canard aux vertus nutritives certifiées par nos hôtes. J'en ai pris quatre fois...




Si quelqu'un reconnait ces crustacés et en connait le nom... je ne l'ai pas retenu en chinois... Ça pourrait être un croisement entre une langoustine et un gros insecte. Délicieux !


En tout cas, ce fut revigorant !
Après ce festin, on a pu filmer l'interview de l'avocate sereinement dans sa chambre d'hôtel puis Joris a été accompagné à la gare routière pour se rendre dans un autre village à deux heures de car où il devait réaliser un reportage radio et moi, à l'aéroport avec trois heures d'avance sur mon vol. Largement de quoi souffler avec, malgré tout, le petit stress de me faire intercepter par la police locale au moment du check-in et de me faire confisquer les cassettes ; voir plus si affinités...
Mais tout se déroule sans accroche jusqu'à l'arrivée à l'aéroport de Shanghai où j'ai dû faire la queue pendant une heure pour prendre un taxi afin de rapporter le matériel de location.
A minuit et demi j'étais finalement chez Joris. Tout prêt à m'écraser sur le lit. Une bonne journée suivis d'une nuit trop courte.

Le lendemain j'ai dû faire le deuxième montage pour Lucas. Il fallait que je finisse avant de décoller pour Hong Kong ce matin à 10h. J'ai commencé tôt, j'ai terminé tard mais j'ai respecté les délais et je ne suis pas trop mécontent du résultat...

Au programme maintenant un reportage de 2'30 sur les Chunking Mansions, un bâtiment atypique au cœur de Hong Kong, où se négocie un nombre de petites merdes hallucinant que l'on retrouve sur les marchés d'Afrique et d'Inde. Une autre histoire ; une autre vue !


6 commentaires:

Post a dit…

Hello from Paris,
Ici c'est le printemps: Grêle, vent, et soleil. Les feuilles vert tendre apparaissent sur les branches des marronniers, Shanghai nous semble loin. Je suis ravie de savoir que tu pars pour les campagnes. Tout ceci s'annonce passionnant.

Mets ton montage en ligne à l'occasion...
Je pense à toi

Isabelle

Unknown a dit…

Je trouve que ça ressemble à des écrevisses... mais je ne suis pas une spécialiste et c'est dur à dire parce qu’elles sont un peu entassées sur la photo ;-).
En tout cas, ton voyage a l’air passionnant.
Bisous,
Alice

clem a dit…

Putain ca m'a fatigué et stressé pour la journée ton histoire.
Ce soir je vais rêver d'écrevisse rouge coco qui font grève autour d'une usine.

Marie-Cécile a dit…

on dirait des cigales de mer... si si ça existe.
Sinon j'ai beaucoup aimé l'histoire de la course poursuite :)
A bientôt et tâche de dormir de temps en temps !
Bises
MC

ben a dit…

Peut-être une cigale de mer, effectivement. Ou peut-être pas. Ayant consulté un spécialiste, Ambroise en l'occurence, je me suis entendu répondre "un truc entre la langouste et la crevette géante", ce qui ne nous avance pas beaucoup.

Mise à part cette délicate question culinaire, pas mal le road movie. Mais faites gaffe quand même : pas envie de monter un comité de soutien pour exiger votre libération.

Enfin, Joris, cette fois-ci en baroudeur beau !

Bises
Ben

clem a dit…

hé Vinsse on s'endort, pas de nouveau post cette semaine !

J'ai mangé des cigales de mer y a pas lgtps, c'est vraiment bcp plus gros la cigale (taille d'une petite langouste) que ce qu'a mangé Vinsse.
En revanche c'est vrai que ca ressemble.